• « Noëls traditionnels Métis dans l'ouest CANADIEN »,

    nous venons de passer les fêtes de fin d'année , alors pour continuer dans l'ambiance  je vous partage cet article que m'avais envoyé Ismène Toussaint en 2019 et qui relate ces fêtes chez les Métis dans l'Ouest Canadien .

    NOËLS TRADITIONNELS MÉTIS DANS L’OUEST CANADIEN

    PAR GEORGE ET TERRY GOULET, HISTORIENS1 (21 DÉCEMBRE 2013)

    (TRADUIT DE L’ANGLAIS ET ANNOTÉ PAR ISMÈNE TOUSSAINT)

    Chaque fois qu’une occasion favorable se présentait, et elles étaient nombreuses, le peuple historique des Métis de l’Ouest canadien adorait fêter, festoyer et célébrer. Tout comme les gens eux-mêmes, ces festivités étaient un mélange de racines françaises, écossaises, irlandaises et indiennes. Alliant bonne nourriture, bonnes boissons, musique vibrante, danses énergiques, chansons animées et discussions joviales, elles débutaient à la tombée du jour et se poursuivaient jusqu’au petit matin. Durant ces réjouissances, la gigue de la Rivière rouge et le violon traditionnel étaient au cœur de l’identité métisse : ils le demeurent aujourd’hui. La source première de cette musique provenait des hivernants de la Compagnie du Nord-Ouest2.

    Au XIXe siècle, la période de Noël et du nouvel an constituait la principale saison de fêtes à la rivière Rouge, avec des activités s’étendant entre dix jours et deux semaines. Ceux qui se trouvaient loin de la colonie pour la chasse hivernale au bison ne manquaient pas ces célébrations. Norbert Welsh nous en donne un exemple dans son livre The Last Buffalo Hunter (Le dernier chasseur de bisons). Dans sa relation, il affirme qu’ils eurent bien du bon temps le jour de l'an 1865 :

    « Nous dansâmes des danses du bon vieux temps ainsi que la gigue de la Rivière rouge, des reels à quatre, à huit, la gigue double, la Chasse au lapin, le Cercle Tucker, les Gouttes de brandy, et toutes les danses des Demi-sangs. Il y avait toujours quantité de violoneux. Presque tous les hommes savaient jouer du violon. Puis nous nous rendîmes dans une autre famille. D'ordinaire, nous avions du bon temps, je peux vous le dire. Nous eûmes beaucoup à manger et à boire. Ces festivités durèrent environ dix jours. »

    L’important entrepreneur métis James McKay (qui était né en 1828 à Edmonton House et qui mourut en 1879 à Saint-James, au Manitoba) offrait invariablement une fête de la nouvelle année pleine de gaieté dans sa maison, à la colonie de la Rivière rouge. Cette habitation s’appelait The Deer Lodge (Le Gîte du cerf) et servait fréquemment de lieu de rencontre aux Métis, aux Indiens, et aux autres résidents de la région.

    Chez M. MacKay, les fêtes du jour de l'an commençaient à la fin de la journée. Elles consistaient en des danses, de la musique, des chansons, des agapes et des échanges conviviaux. Les jeunes hommes portaient leurs plus beaux atours faits maison, tandis que les jeunes dames arboraient leurs plus jolies robes et des corsages ajustés. Tous étaient chaussés de mocassins qui leur permettaient de mouvoir leurs pieds avec aisance et rapidité lors des danses.

    Dans un article intitulé « Red River New Year » (Le nouvel an à la rivière Rouge), l’historienne Margaret A. MacLeod écrivait que « lorsqu'on ouvrait la danse chez M. MacKay, quatre violoneux jouaient en se relayant en duo pour donner la chance à ceux qui étaient épuisés de récupérer. Dans la vaste salle, les danseurs improvisaient un quadrille sur les notes de The Buffalo Girl (La Fille bison) et de The Soldier’s Joy (La Joie du soldat) en se lançant résolument sur la piste. Un souper tardif était servi pendant que les danses se poursuivaient avec fougue jusqu'au cœur de la nuit.

    La nourriture se composait de plats tels que la langue et la bosse de bison, le cerf fumé, les queues de castor, les canards et les oies rôtis, les joints de bœuf et de porc brûlants, le pemmican3, accompagnés de pain banniqueet de thé noir très fort.

    D’autres sympathiques manifestations avaient lieu durant les vacances de Noël et du nouvel an. En 1871, Joseph James Hargrave écrivait ceci dans son livre, Rivière rouge :

    « Bien des déplacements et des visites se succèdent ; des bals, des fêtes familiales et des célébrations sont mis sur pied chez notre parenté. Un des principaux événements ayant cours pendant les vacances est la célébration de la messe de minuit dans la cathédrale de Saint-Boniface, lors du réveillon de Noël. »

    Les mariages étaient chose commune à cette époque de l’année et duraient plusieurs jours avec quantité de festins, de boissons et de danses. En 1843, le fils de Cuthbert Grant père5 épousa une jeune fille métisse à Saint-François-Xavier. La même année, l’un des invités, Robert Clouston, écrivait dans une lettre qui fut publiée en 1961 dans Beaver Magazine, que :

    « Nous atteignîmes la maison de Mr Grant vers midi et trouvâmes tout le monde en train de danser. Mr Grant lui-même était dans cet état heureux que l’on qualifie parfois de «glorieux».... Nous déjeunâmes puis nous nous joignîmes à la danse. Nous dansâmes toute la journée et jusqu’à quatre heures du matin. Nous quittâmes nos hôtes à 9 heures le jour suivant – recrus de fatigue mais le cœur rempli de chaleur, trouvant que le jeune marié était un garçon très chanceux. Un petit-déjeuner fut servi le matin. La coutume voulait que quelqu’un chante une chanson à la mariée afin de recevoir une part du gâteau de mariage. »

    Un autre jour du nouvel an fut témoin d’une course de chevaux sur la rivière Rouge. Des hommes coiffés de chapeaux en laine dans des carrioles firent galoper leurs coursiers parés de rubans le long de la rivière gelée, et de nombreux spectateurs parièrent sur leur équipe favorite.

    Dans son livre Homeland to Hinterland (De la patrie à l’arrière-pays), Gerhard Ens fournit une brève description de la Ronde sociale et saisonnière des Métis (The Social and Seasonal Metis Round) de la rivière Rouge. Ce compte-rendu évoque la saison des fêtes hivernales, ainsi qu'un déjeuner de Noël et la journée du premier de l’an.

    Dans ses Mémoires, Louis Goulet a dépeint le tableau oral d’un banquet métis au XIXe siècle. Il raconte que chacun tentait de surpasser les autres en préparant le repas le plus savoureux. Un concours de chant était institué durant les festivités. Il était suivi par des danses exaltées au rythme de la musique des violons traditionnels, des guitares, des tambours, des instruments à bouche, et d’autres instruments rythmiques à main. Chaque danseur, chaque musicien et chaque chanteur essayait d’éblouir les autres pendant que les spectateurs regardaient avec enthousiasme cette joyeuse rivalité. Un divertissement tel que celui-ci se prolongeait des heures durant et à la fin, il arrivait que les gigueurs les plus endurants découvrent que les semelles de leurs mocassins étaient sur le point de rendre l’âme.

    Dans d’autres communautés, les Métis poursuivaient la même tradition festive. Goulet a mentionné l’existence d’une salle de danse dans le Judith Basin (Bassin de Judith). C’était une enclave de la rivière Missouri, située aujourd’hui dans le Montana où résident de nombreux Métis. Il a précisé que les hommes martelaient un tambour « au rythme de la gigue de la rivière Rouge ». Les danseurs gardaient le tempo en frappant dans leurs mains et en faisant claquer leurs doigts au-dessus de leurs têtes.

    Fort Langley, en Colombie-Britannique, fut établi en 1827 par la Compagnie de la Baie d’Hudson6 avec l’aide, entre autres, des Métis. Des membres de la communauté métisse participaient à des danses dans ce fort. Bien que Noël correspondît aux vacances, la majeure partie des fêtes, à cette période de l’année, se déroulait le jour du nouvel an, selon la coutume en vigueur à la rivière Rouge.

    Dans une lettre adressée à Edward Ermatinger, Archy McDonald, le mari de la matriarche métisse Jane Klein, a rapporté qu’en décembre 1836, Frank (le frère du premier) et cette dernière demeuraient à Fort Colvile (Colombie-Britannique). Avant Noël, Franck quitta le fort mais se retrouva bloqué par la glace à Spokane Forks (même région). Ses hommes et lui-même retournèrent à Fort Colvile. Ils arrivèrent évidemment à temps pour le déjeuner de Noël avec la famille McDonald, puisque Archy a rapporté dans sa lettre qu’ils revinrent :

    « juste au moment où on servait le roastbeef et le pudding aux prunes. Après nous avoir fait honneur, à nous et... à toutes les bonnes choses à Colvile, Frank et ses hommes, qui étaient environ 35, quittèrent à nouveau la fête. »

    Aujourd’hui, la fête de Noël annuelle que la Fédération des Métis de la Colombie-Britannique (BC Metis Federation), parmi d’autres associations, organise pour les enfants et les familles, poursuit la tradition historique des festivités et des célébrations de la saison de Noël métisse. (Noël 2013)

    Article publié le 23 décembre 2013 dans le site de la British Columbia Metis Federation (Fédération des Métis de la Colombie-Britannique) : http://bcmetis.com/

    NOTES

    1. George Goulet (1933-). Historien, avocat et conférencier métis canadien-anglais. Originaire de Saint-Boniface (Manitoba), il est actuellement consultant pour la Fédération des Métis de Colombie-Britannique (British Columbia Metis Federation). En 2012, il participa avec sa femme Terry au comité sénatorial chargé de statuer sur la reconnaissance juridique et politique de l’identité métisse au Canada. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages (non disponibles en français) : The Trial of Louis Riel – Justice and Mercy Denied (Le Procès de Louis Riel, Le refus de la justice et de la clémence, 1999) ; The Metis - Memorable Events and Memorable Personalities (Les Métis - Événements et personnalités mémorables, 2006) ; Louis Hébert and Marie Rollet, Canada’s First Pioneers (Louis Hébert et Marie Rollet, premiers pionniers du Canada, 2007) ; The Metis in British Columbia: From Fur Trade Outposts to Colony (Les Métis en Colombie-Britannique : des premiers avant-postes de la traite des fourrures jusqu’à la colonie, 2008).

    Terry Goulet (née Boyer de la Giroday, 1934-). Historienne, administratrice juridique et conférencière canadienne-anglaise. Originaire de Calgary (Alberta), elle est actuellement consultante pour la Fédération des Métis de Colombie-Britannique (British Columbia Metis Federation). Elle collabora aux ouvrages de son mari, l’historien et avocat George Goulet (voir ci-dessus), et effectua de nombreuses communications sur Louis Riel et sur les Métis au Canada. En 2012, elle siégea également avec lui sur le comité sénatorial chargé de statuer sur la reconnaissance juridique et politique de l’identité métisse au Canada.

    2. La Compagnie du Nord-Ouest (CNO ; North West Compagny, NWC) fut fondée à l’hiver 1783-1784 à Montréal par un groupe d’hommes d’affaires et d’actionnaires pour la traite des fourrures. Au début des années 1800, elle entra en concurrence avec la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) qui existait depuis 1670, puis fusionna en 1821 avec elle sous le nom de cette dernière, après une série de conflits sanglants. La bataille des Sept Chênes (ou de la Grenouillère), qui fut menée le 19 juin 1816 à la colonie de la rivière Rouge par le chef métis écossais Cuthbert Grant contre le gouverneur britannique Robert Semple, est demeurée dans les annales : elle donna officiellement naissance à la Nation métisse politique dans l’Ouest. De nos jours, la CNO possède des grands magasins au Canada, en Alaska, et un peu partout dans le monde.

    3. Viande de bison séchée et salée. 

    4. Le pain bannique ou banique (mot venant de l’écossais « bannock » ), qui faisait partie de l’alimentation des premiers colons d’Amérique du Nord, était un pain plat confectionné avec de la farine sans levain, du saindoux, du sel et de l’eau. Les Autochtones ont leur propre recette à base de camassia (plante) et de maïs, différente selon les nations.

    5. Cuthbert Grant (1793-1854). Commerçant de fourrures, entrepreneur, homme de loi et chef métis canadien-écossais. Le 19 juin 1816, appuyé par un groupe d'Autochtones, il remporta la bataille des Sept Chênes (ou de la Grenouillère, colonie de la rivière Rouge) qui l'opposait à Robert Semple, gouverneur britannique de la Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH), laquelle prétendait exercer un contrôle absolu sur le commerce des fourrures. Il est considéré comme le père fondateur de la Nation métisse politique dans l'Ouest.

    6. La Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH ; Hudson’s Bay Compagny, HBC) fut fondée en 1670 à Londres par deux coureurs de bois français, Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseillers, pour la traite des fourrures dans la baie d’Hudson (Amérique du Nord). Après la chute de la Nouvelle-France en 1763, elle étendit ses postes de traite vers l’ouest et le nord du futur Canada. Au début des années 1800, elle entra en compétition avec la Compagnie du Nord-Ouest (CNO), originaire de Montréal, puis fusionna en 1821 avec elle sous son propre nom, au terme d’un conflit sanglant. Détentrice pendant près d’un demi-siècle de la plus grande partie du territoire canadien, celui-ci lui fut octroyé officiellement par Londres en 1870, en même temps qu’un droit exclusif de traite des fourrures. Cette cession provoqua la révolte des Métis de la colonie de la rivière Rouge, qui fut écrasée dans le sang. Par la suite, les postes de traite devinrent des magasins généraux, puis une chaîne de grands magasins qui existe toujours.

     

     

    © George et Terry Goulet - Fédération des Métis de la Colombie-Britannique (BC Metis Federation) -

     

     

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