• Hommage à Tom Poor Bear (Tom Pauvre Ours 1954-2020)

    Tom Poor Bear (à droite) rendant visite à Leonard Peltier au pénitencier de Coleman, Floride, en 2013

    26 DECEMBRE 2020 : HOMMAGE À TOM POOR BEAR (TOM PAUVRE OURS, 1954-2020), ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DE LA NATION SIOUX LAKOTA OGLALA

    PAR LEONARD PELTIER, PRISONNIER POLITIQUE AUTOCHTONE AUX ÉTATS-UNIS1 

    (SITE WEB INTERNATIONAL LEONARD PELTIER DEFENSE COMMITTEE
    COMITÉ INTERNATIONAL POUR LA DÉFENSE DE LEONARD PELTIER) 

    (TRADUIT DE L'ANGLAIS ET ANNOTÉ PAR ISMÈNE TOUSSAINT)

    Chers amis et Tiospaye2 de Tom Poor Bear (Tom Pauvre Ours)3,

    Veuillez accepter, je vous prie, mes condoléances pour la perte de mon frère du Mouvement des Indiens Américains4, Tom. Durant son voyage sur Terre, il a porté de nombreux titres : ceux de frère, de père, d’oncle, de grand-père et de président de la Nation. Tom était un homme humble. Il pouvait vous raconter une histoire humoristique qui vous faisait rire, puis une autre qui vous faisait pleurer. Sur l’impulsion du moment, il récitait un de ses poèmes ou sortait une chanson sur sa voiture rouge, qu’il appelait son « poney de guerre ».

    Mais Tom avait aussi un côté sombre et sérieux, dénué de toute folie, lorsqu’il en venait à parler des droits de notre Nation et des nombreuses injustices dont nous souffrions entre les mains du gouvernement. Les traités brisés, les terres et les ressources volées faisaient toujours partie de nos discussions. Tom est venu me rendre visite à plusieurs reprises dans ma cage de fer. Il me donnait de l’espoir et je lui demeurerai toujours reconnaissant pour l’amour que nous avons partagés en tant que frères dans le Mouvement.

    Nous avions pris des photos ici, à Coleman (Floride), et j’éprouvais de la fierté en voyant que toute personne qui pénétrait dans le bureau savait, sans le moindre doute, que Tom croyait en moi et faisait de son mieux pour m’aider dans mon combat pour la liberté.

    Lors de ses visites, Tom parlait avec fierté de son takoja (petit-fils), de son amour pour sa famille, pour sa Nation, et pour nos terres, en particulier les Black Hills (Collines Noires, Dakota du Sud)5. Il voulait un monde meilleur pour son peuple, un monde où il y aurait davantage d'équité, et où la couleur de votre peau ne ferait pas le vide, d'une manière ou d'une autre, dans les marches de la justice.

    Je sais que lors du passage de Tom dans le Monde de l’Esprit, tout notre peuple sera là pour l’accueillir, sachant qu’il a pleinement rempli ses responsabilités ici, sur Terre.

    Je voudrais te dire que je t'aime, mon frère ; merci pour tout ce que tu as fait pour moi. J’apprécie le dur travail que tu as effectué et, tandis que nous poursuivons notre chemin, il y a toute une rangée de gens derrière moi, à mes côtés et devant moi, qui vont te faire passer à côté de l’enfer.

    Aussi, avant que nous nous retrouvions, je te dis Tanyan omani kagayo/ye ! Continue ton bon voyage ! 

    Dans l’esprit de Crazy Horse,

    Doksha (Salutations)

    Votre frère

    Leonard Peltier

    Site du Comité international pour la défense de Leonard Peltier (International Leonard Peltier Defense Committee) : https://www.whoisleonardpeltier.info/

    NOTES

    1. Leonard Peltier (1944-). Leader, artiste-peintre et prisonnier politique autochtone. Né à Grand Forks (Dakota du Nord, États-Unis), ce membre des Nations lakota-sioux, anishinabée et chippewa, d'ascendance métisse canadienne française, joua un rôle important dans les années 1970 au sein de l'American Indian Movement (AIM, Mouvement des Indiens américains), dans le réveil de la fierté autochtone et des revendications des siens. En 1975, il fut accusé du meurtre de deux policiers fédéraux qui avait eu lieu dans la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud), lors de la commémoration du massacre des Sioux de Wounded Knee (1890), puis condamné sans preuves en 1977 à deux peines d'emprisonnement à perpétuité. Malgré la pression internationale, il est toujours détenu au pénitencier de Coleman (Floride).

    2. Dans la langue lakota, le terme Tiospaye signifie « se faire des relations, des parents ». Il est fondé sur la conviction que la famille ne se limite pas aux liens du sang, mais qu'elle inclut les membres d'autres clans. Pour cette Nation, nous sommes tous reliés dans ce cercle de vie ; votre valeur se mesure à la grandeur de votre famille et cette abondance de liens constitue les fondements de la vie de chacun. 

    3. Tom Poor Bear (Tom Pauvre Ours)(1954-2020). Leader de la Nation Sioux Lakota-Oglala aux États-Unis. Né à Chicago (Illinois), il grandit sur la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud) et intégra dès l'âge de 16 ans le Mouvement des Indiens Américains (American Indian Movement, fondé en 1968). En novembre 1972, il s’enfuit du pensionnat pour en rejoindre les membres, qui occupèrent une semaine durant le Bureau des Affaires indiennes à Washington (District of Columbia, DC), pour tenter de régler la question des traités qui avaient été brisés au fil de l’Histoire. En 1999, suite au meurtre de son frère et de son cousin, il commença à lutter contre la vente d’alcool aux Autochtones de Pine Ridge et de Whiteclay (Nebraska), et parvint quelques années plus tard à faire fermer les magasins de bière de cette ville. Au cours de sa vice-présidence de la Nation Lakota, il s’illustra notamment en organisant des marches destinées à rendre justice aux deux membres de sa famille assassinés, ainsi qu’aux Autochtones qui étaient battus en toute impunité par des Blancs. Il participa également à des manifestations contre le projet d’implantation du pipeline Keystone XL, qui lui valurent plusieurs arrestations et un emprisonnement à Washington. En 2004, lors d’un meeting du président des États-Unis à Denver (Colorado), il réussit à attirer son attention sur ce sujet : en 2015, Barrack Obama devait rejeter l'entreprise controversée, mais sa décision fut renversée par son successeur, Donald Trump. Tom Poor Bear mourut du coronavirus (Covid-19) le 13 décembre 2020 à l’hôpital de Greeley (Colorado) et fut enterré à Wounded Knee (Dakota du Sud), qui avait été le théâtre du massacre des Sioux en 1890.

    4. L'American Indian Movement (AIM ; le Mouvement des Indiens Américains) fut fondé en 1968 à Minneapolis (Minnesota) par George Mitchell, Dennis Banks, Eddy B. Banai et Clyde Bellecourt, pour défendre les droits des Autochtones. Au nombre de leurs revendications figuraient la restauration des traités brisés, la restitution des terres, la souveraineté tribale, la conservation de leurs cultures, ainsi que des conditions d’accès décentes aux soins médicaux, au logement et à l’éducation. Le mouvement se signala par l’occupation de plusieurs endroits : l’île d’Alcatraz (Californie), de novembre 1969 à juin 1971 ; le Bureau des Affaires indiennes à Washington (District de Columbia, DC), en novembre 1972, pendant une semaine ; et en février 1973, par un siège de 71 jours accompagné d'une prise d’otages dans la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud), qui avait été le théâtre du massacre des Sioux de Wounded Knee en 1890. Le 25 juin 1975, lors d'une commémoration de ce génocide sur les mêmes lieux, une fusillade qui fit deux victimes parmi les agents fédéraux entraîna l'arrestation arbitraire du militant Leonard Peltier (31 ans), puis sa condamnation pour meurtres à la prison à perpétuité. Malgré sa scission en deux factions depuis 1993, le mouvement continue aujourd’hui à préserver les intérêts des Autochtones et à faire vivre leurs pratiques culturelles et spirituelles.

    5. Les Black Hills (Collines Noires ou Paha Sapa, en lakota) sont des terres sacrées pour les Indiens Lakotas, qui les revendiquent depuis 1776, année d'une bataille qu'ils avaient gagnée contre les Cheyennes. En 1868, le traité de Fort-Laramie, qui mit fin à la guerre du chef Red Cloud (Nuage Rouge ; 1824-1910) contre l'armée américaine, les intégra dans la Grande Réserve Sioux. Mais six ans plus tard, le général George Custer (1839-1876) viola l'entente en les ouvrant à la ruée vers l'or, provoquant de nouvelles batailles, dont celle de la Little Big Horn (26 juin 1876), qui fut remportée par le chef Crazy Horse (1839-1877). Cependant, après la défaite de ce dernier dans les Wolf Mountains (Montagnes du Loup), puis son emprisonnement et son assassinat, le gouvernement américain détruisit la réserve sioux et s'empara des terres, qu'il vendit aux colons à des prix dérisoires. En 1980, il proposa un dédommagement financier aux Lakotas, qui le refusèrent afin que ces terres sacrées ne deviennent pas propriété états-unienne.

     

     

    © Leonard Peltier - Comité international pour la défense de Leonard Peltier -

    article d'Ismène Toussaint 

     

     

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